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Poème de Mill
Première lettre à F. de P.
Nous nous sommes vus tant de fois,
en d'autres lieux, d'autres temps,
que je te reconnais.
Tu étais là lorsque, bambin, je poussais les portes drues de la grande
pyramide
pour y jouer avec le fils du scribe
et le chat angulaire de notre vieux pharaon..
Ne le nie pas, je t'ai vue
et m'en souviens encore :
tes yeux kaléidoscope,
ton sourire blanc de fauve
et ces commissures pointues
autour de tes rires.
Tu étais là et j'entendais ta voix de souris blanche.
Je ne savais rien.
Je t'imaginais nue, à jamais drapée
dans cette étoffe de bronze,
indestructible voile ;
J'avais la rouille pour alliée.
Ne t'en cache pas, tu m'aimais déjà
lorsque nous étions poissons,
Bien avant, et souviens-toi,
Tu n'avais peur de rien.
Tu étais là à l'époque bénie des cataclysmes,
des indiens, des plumes de paon, des guillotines,
des feux follets, de Gutenberg et de la croix celtique,
des pals et des tranchées, des selles de cuir, des Sarrazins,
des mystères de Mycènes, des labyrinthes, des nymphes et des satyres,
des lunes foulées, des terres violées, des rivières charriant le sang
de martyres que nous avons, ensemble, hébergés puis trahis,
parce que nous n'avions rien d'humain dans ce qui nous soudait l'un à
l'autre.
Tu étais là, juste là,
sous ma peau de déviant omnipotent,
à te battre, offusquée,
contre les filaments de ma viande avariée..
Tu me connaissais, pourtant,
depuis déjà plusieurs big bangs,
tu me savais là.
Car j'étais là, sous ta peau de tigre aux dents de lait,
à te pétrir de l'intérieur,
à te caresser,
à chérir le dessin de chacune de tes rayures.
J'étais là, juste là,
à oser l'abandon,
à taquiner les limbes,
parce que j'ai ma loupiote
et qu'elle porte ton nom.
On m'a raconté l'histoire de notre rencontre,
j'ai cru à une légende.
kisskissboumboum@hotmail.fr
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