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Poème érotique (texte)

 

Texte de Aaron Immersan

Phares dans la brume

Les pneus crissèrent violemment sur l’asphalte inégal de la nationale. La coque de la remorque émit le bruit rauque et torturé du métal mis à rude épreuve. Les roues, même bloquées par les énormes freins à air comprimé continuèrent sur leur lancée, m’indiquant par là leur désaccord total de s’arrêter. Puis, malgré le poids du chargement et la vitesse de mon vieux Kenworth dans la descente vers la vallée, les trains de pneus s’immobilisèrent enfin, dans un mélange de caoutchouc brûlé et de gaz nauséabonds.

Elle était là. Presque irréelle dans sa robe diaphane recouverte maladroitement d’un gros blouson, d’un cuir qui sentait l’âge avancé de certains objets où leur passé s’exprime par tous ces petits accros et aspérités qui apparaissent ici et là à leur surface.

Elle était là, et n’avait pas sourcillé à l’approche de mon bahut, tous ses phares inondant la nuit déjà bien avancé de ce début d’hiver. Appuyée sur la carrosserie de sa Twingo, capot ouvert témoignant malheureusement d’un ennui mécanique qu’un coup de pied ne résout pas, elle se redressa et dirigea ses pas vers ma portière.

Je descendis, mon regard tomba dans le sien. Nous nous arrêtâmes tous les deux d’avancer. S’il n’y avait cette brume qui flottait déjà alentour, j’aurais dit que l’air était devenu palpable. Je lui souris maladroitement, partagé entre l’envie de sortir une phrase triviale qui aurait coupé court à cette magie qui s’installait entre nous et l’irrésistible pulsion qui grandissait en moi, occultant mission, rationalité et décence.



Elle frissonna. Ce fut comme un signal qui résonna tout le long de mon épine dorsale. Le décor s’évanouit complètement. Machines d’acier sur bitume humide, arbres plantés et noyés dans la brume, montagnes enneigées et vallées endormies, tout disparut.

Et elle fut là, sans blouson cette fois, allongée à mes côtés, sa robe s’étalant autour d’elle en une corolle blanche immaculé, tranchant sur le fond sombre de ma cabine capitonnée, qui avait plus que son comptant de nuits sur les parkings d’autoroutes. La veilleuse semblait affadie par les moirés irisant les voiles en cascade de sa tenue. Je n’avais plus que mon vieux jeans, élimé aux genoux, où taches de cambouis et huile de vidange se disputaient le peu de surface encore épargnée par mon travail.

Aucun mot n’était encore sorti de nos bouches, contractées par l’émotion qui nous submergeait par vagues croissantes successives. Nous nous dévorions des yeux, où des lucioles semblaient danser et pétiller en étincelles multicolores.

Nos mains se joignirent et entreprirent de se découvrir l’un l’autre. Mes doigts fébriles descendirent la fermeture éclair dans son dos, et la robe dévoila la blancheur de sa peau, à peine plus dissimulée par une lingerie richement brodée et transparente à la fois, les volutes des motifs sur le tissu s’enroulant tels des serpents protégeant leur trésor.

Le désir pointant avidement au travers de la soie, mes mains passèrent outre les créatures sinueuses en vue de soulager cette envie de caresse et de passion amoureuse qui maintenant exsudait de chaque pore de nos deux organismes excités.

Les mains de l’inconnue avait quant à elles décidées de me libérer de l’entrave de mon ceinturon puis le pantalon suivit le chemin, me laissant en boxer où mon excitation était plus accentuée que dissimulée. Se baissant au niveau de ma virilité engoncée dans la fine polyamide, elle l’agrippa d’une main à la douceur exquise, lui empressant un va-et-vient délicat mais ferme, puis l’embrassa du bout des lèvres d’abord, pour l’engloutir la minute d’après dans sa bouche où chaleur et moiteur se mêlaient et rendait mon excitation encore plus merveilleuse et suave.

Me retournant sur le dos, je la laissais continuer, mais maintenant c’est ma langue qui glissait entre ses lèvres intimes, le string qu’elle portait à présent dénoué et pendant le long de sa taille. Ma bouche croquait l’intérieur de ses jambes, en haut de ses cuisses douces et parfumées. Mes doigts se firent plus intimes encore, caressant puis pénétrant ses orifices offerts, où leur blancheur rivalisait avec l’absence de toute pilosité. Mes lèvres sur ses lèvres, ma langue sur elle, en elle, sur elle de nouveau, encore et encore.

Son souffle était devenu plus rapide, haletant, et ma respiration semblait s’accorder à ce rythme saccadé qui s’accélérait sans cesse. Elle s’avança un peu, et toujours de dos, se caressa le bas-ventre sur mon sexe gonflé d’un désir incroyable. Elle se laissa alors glisser sur ma hampe et commença des mouvements de va-et-vient d’une langueur et d’une volupté divine. Je voyais ses hanches et ses fesses rebondir en douceur sur mon ventre, ses cheveux retombant en rythme sur ses épaules à chacune de ses ondulations.

Me redressant, je lui attrapai les seins et titillait leurs tétons dressés eux aussi. Sa poitrine gorgée de plaisir montait et descendait elle aussi, suivant les allées et venues de mon corps en elle, de son corps en moi, sur moi, pour moi, offert tel un calice dont on est rassasié seule la dernière goutte avalée et distillée.

S’agrippant aux poignées usées jusqu’à la corde de la cabine, la fille se redressa et tourna vers moi un visage baigné d’un sourire plein de malice. La couchant sur le dos, je lui caressai ses jambes, ses hanches, son ventre, ses seins pour finir par lui enlacer le dos de mes bras. La serrant contre moi, je lui mordillai le cou tandis qu’elle malmenait tendrement le lob de mon oreille.

De nouveau unis, nous frémissions et gémissions de concert, une ondée de plaisir jaillissant de chaque fibre en un torrent que rien ne pouvait contenir. L’explosion de jouissance qui déferla alors sembla irréelle par sa puissance. La sueur coulait entre mes omoplates tandis que ses cheveux collés à son visage extatique me prouvaient combien la chaleur de nos ébats avait su déjouer les méfaits du froid hivernal.

Je restai un moment cambré au-dessus d’elle, mes yeux dans les siens, nos souffles rendus visibles par la vapeur qui s’échappait, en suspension dans l’air épais de la cabine. Elle me regarda, l’air apaisé et s’étira nonchalamment sur le matelas en désordre. Je m’allongeai à ses côtés et la nuit nous envahit enfin.


La fille me regarda, me rendit mon sourire, et je sortis une phrase triviale, histoire de couper court à cette pulsion qui commençait à poindre aux plus profond de mes entrailles, et me proposait de l’aider à réparer son moteur en rade…


immersan@live.fr

 

 

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