Conte-5031

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Conte de Hervé Poirine, France

 

L’escalier est haut.

Je monte les marches.

Une, deux trois.

C’est facile, c’est joyeux et enfantin, c’est un jeu, on s’amuse, on se dit qu’on y parviendra sans dommage, sans problème, que ça ne peut pas être difficile quand on est un super héros, et qu’on y va avec enthousiasme, et qu’on y va en sifflant, en chantonnant une comptine de notre enfance, réminiscence de notre passé, qui avance à petit pas, en sautillant.

Quinze, seize, dix-sept.

C’est pas très haut, c’est sûr.

On en voit le bout d’ici, mais bon, on a grandi et on ne peut plus se commettre dans des jeux de gamins, et on regarde fièrement ces marches qui s’amoncellent devant nous, comme un bastion à atteindre, une princesse à sauver des griffes d’un dragon, une jeune fille en danger…

Pas des jeux de gamins, ça, des vrais jeux de gens qui savent. Allez, sautillons un peu quand même…

Trente-huit, trente-neuf, quarante.

L’heure n’est plus à la rigolade ou à sauver je ne sais quelle jeune fille imaginaire.

L’heure est à la réalité et au pragmatisme.

Premier point : cet escalier est haut, on le sait. Mais quand on voit le chemin que l’on a déjà parcouru, on se dit qu’il est inutile de faire marche arrière.

Pas vous, pas nous.

Deuxième point : c’est de manière raisonnable et posée que nous envisageons le problème.

Il faut juste calculer le temps nécessaire pour atteindre le sommet de cette pyramide des temps modernes. Ce n’est pas sorcier et il n’y a aucune place à l’imaginaire là-dedans, on est adulte, que diantre, et l’adulte doit savoir et avancer dans la vie !

Soixante, soixante et un, soixante deux.

Un instant, s’il vous plaît.

Nous ne sommes pas si pressés.

Regardons le paysage et respirons cet air si pur. Vous sentez ?

Ah ! Ca, c’est le privilège de l’âge !

On peut s’arrêter un moment sans que cela nous gêne.

Oh ! On ira bien jusqu’au bout, mais on ne peut plus être si rapide.

Et puis, avec ce qu’on a déjà trimé avant, on ne va quand même plus s’énerver pour si peu, on a déjà loupé tellement de choses.

Quatre-vingt, Quatre-vingt-dix, cent…

Heureusement qu’il y a la rampe, sinon je tomberais, je serais à même le sol.

Mais je vois que j’arrive doucement en haut, tout en haut.

Allez, un dernier petit regard en arrière.

Je ne regrette rien et je regrette tout, bizarre paradoxe.

Même que si c’était à refaire, et bien je le referais.

Ce sont les dernières, encore un peu de courage.

Un, deux, trois…

 

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Mise à jour ; 12 mars  2005   Copyright © 2004, Les éditions Mélonic